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Interview Mohssin Harraki avec Bérinéce Saliou

 

Quels sont vos liens avec le Maroc ? 

Je suis marocain de naissance !! 

 

Pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet de votre œuvre exposée au sein de Trankat Episode # 1 ? 

Le travail que je présente est le fruit d’une recherche commencé en 2011 en Jordanie. 

L’œuvre s’intitule « Aquariums », elle propose une réflexion sur l'Histoire du Maroc et la position de l'art par rapport à cette Histoire volée, cachée, peu dite... Trois aquariums remplis d’eau sont disposés côte à côte sur trois socles. Un livre d’Histoire en Français est immergé au fond du 1er aquarium, au fond du 2ème c’est un livre d’Histoire en Arabe, et au fond du dernier, un livre d’Histoire en langue Amazigh (Berbère) (Un livre d’Histoire en Amazigh (Berbère) est immergé au fond du 1er aquarium, au fond du 2ème c’est un livre d’Histoire en Arabe, et au fond du dernier, un livre d’Histoire en français). A l’origine, l’œuvre n’était constituée que d’un seul aquarium et d’un seul livre d’Histoire sur les pays arabes, ouvert à une page expliquant l’organisation de la société avec la police, la religion, l’école etc. Pour Trankat Episode # 1, c’est une nouvelle version, comme un détail, un focus sur le Maroc avec ses trois langues officielles. Les trois aquariums sont séparés les uns des autres comme les trois langues qui délimitent trois cultures : amazigh, marocaine et française. ( juste j'ai remette dans l'ordre). 

L’œuvre peut se voir comme une photographie de ce Maroc divisé en trois. 

En voyageant en France, j’ai réalisé que l’histoire que j’ai étudiée au Maroc était en partie manipulée. Il règne dans le royaume une certaine désinformation qui conditionne la mentalité des individus et la société. « Aquariums » parle de cette question de la transmission et de la véracité des informations. Il existe 1000 versions de la seconde guerre mondiale par ex. La version française n’est pas la même que la version marocaine et c’est cet écart qui m’intéresse. Il n’y a pas la même Histoire pour tout le monde. Il y a des Histoires : au pluriel. Dans « Aquariums », l’eau fait allusion à la mer Méditerranée, elle englouti, dilue et efface. 

 

Comment votre pratique est-elle déterminée par le passé et le présent ? 

J’aime fouiller l’Histoire et faire le lien avec l’art. Je ne parle pas d’histoire de l’art mais des points de repère que peuvent donner les œuvres d’art. Le travail des artistes est parfois contradictoire avec l’Histoire officielle. Si on compare certaines œuvres d’art avec l’Histoire telle qu’elle est énoncée à la même époque, on peut découvrir certaines choses. Mon intérêt pour l’Histoire provient du travail que j’ai mené sur l’éducation. Au Maroc, nous avons une éducation de monarchie, on parle essentiellement du Roi. L’apprentissage de l’Histoire civile nous donne un aperçu de la situation mais ne nous permet pas de comprendre ce qui se passe dans notre propre pays. L’Histoire du Maroc existe ailleurs. 

Les phrases inscrites sur mon œuvre « Histoire-2 », qui est un livre en verre, répondent bien à la question posée. Il est écrit : « Selon le dictionnaire, l’histoire se définit comme l'ensemble des événements et des circonstances vécus par les êtres, individuellement ou collectivement, et concerne aussi les phénomènes naturels. Dans le langage, «l'Histoire des choses » correspond à une recherche sur les incidents et l’ensemble des faits d’une époque spécifique avec un objectif précis. 

Selon lbn Khaldoun, l’histoire a pour objet l'étude de la société humaine qui construit ce monde, la vie sauvage, la vie sociale,  toutes sortes de relations du pouvoir de l’un sur l’autre, la construction de l’état et sa hiérarchie. 

L’histoire est un ensemble d'informations sur l’homme et ses créations dans ce monde, qui a eu lieu avant cet instant. Ces informations, écrites par des spécialistes, vraies ou fausses, sont des points de vue d'une époque et d’un lieu spécifique, que nous trions aujourd’hui en essayant de trouver une place dans le futur. » 

 

Trankat inscrit au cœur de son projet la confrontation entre artisanat et art contemporain. Quel est votre point de vue sur ce télescopage au cœur du Maroc ? 

Sur le plan artistique, je pense qu’il est intéressant de côtoyer cette pensée de la main. Ce mariage entre des moyens d’expression artistiques et artisanaux peut aboutir à quelque chose, soit du côté de l’artiste, soit du côté de l’artisan mais je ne crois pas que c’est ce qui va sauver l’artisanat. Bien qu’il reste quelques pôles artisanaux comme à Fès, à Meknès ou à Tétouan, il me semble que la modernité est entrée au Maroc et que l’époque de l’artisanat est révolue. Lorsque j’étais jeune, à Asilah il y avait beaucoup d’artisanat mais maintenant c’est terminé, tout est exporté et je crois que l’on ne peut rien y changer. Avant on parlait de recyclage, c’était riche et cela permettait de développer plein de choses. Je me souviens que je récupérais les livres et les vêtements de mon frère mais aujourd’hui on préfère acheter des babouches neuves made in Taïwan plutôt que de réparer une vieille paire : c’est moins cher. C’est une réalité économique. La consommation est arrivée de manière brutale et ce n’est pas spécifique au Maroc, c’est le cas en France aussi ! Il y a peu à Paris, un cordonnier me disait qu’à l’époque, il existait plein de gens qui réparaient et fabriquaient les chaussures mais que maintenant presque plus personne ne s’en occupe. C’est l’effet de la modernité, de la contemporanéité. C’est un constat. Les zelliges, aujourd’hui c’est fini. 

Les architectes sont dans le domaine de la création mais ils n’utilisent plus de procédés artisanaux. 

 

Quelle question aimeriez-vous que l’on vous pose ? 

Est ce que, il fait beau en ce moment au Maroc?

conversation avec Bérinéce Saliou 2013

 

 

 

EN

Interview with Mohssin Harraki by Bérinéce Saliou

What are your connections with Morocco?

I am Moroccan by birth!

Can you tell us a few words about your work exhibited in Trankat Episode #1?

The work I present is the result of research that began in 2011 in Jordan.

The artwork is titled "Aquariums" and offers a reflection on the history of Morocco and the position of art in relation to this stolen, hidden, and rarely spoken history. Three water-filled aquariums are placed side by side on three pedestals. At the bottom of the first aquarium, there is a history book in French, in the second one, a history book in Arabic, and in the last one, a history book in the Amazigh (Berber) language. Originally, the artwork consisted of a single aquarium and a single history book about Arab countries, opened to a page explaining the organization of society with the police, religion, school, etc. For Trankat Episode #1, it's a new version, like a detail, a focus on Morocco with its three official languages. The three aquariums are separated from each other, just like the three languages that define three cultures: Amazigh, Moroccan, and French.

The artwork can be seen as a photograph of this divided Morocco.

While traveling in France, I realized that the history I studied in Morocco was partly manipulated. There is a certain amount of disinformation in the kingdom that conditions people's mentality and society. "Aquariums" addresses this question of transmission and the veracity of information. There are 1000 versions of World War II, for example. The French version is not the same as the Moroccan version, and it is this gap that interests me. There is not the same history for everyone. There are histories in the plural. In "Aquariums," the water alludes to the Mediterranean Sea; it engulfs, dilutes, and erases.

How is your practice determined by the past and the present?

I enjoy delving into history and making connections with art. I'm not talking about art history but rather the reference points that artworks can provide. The work of artists is sometimes contradictory to official history. By comparing certain artworks with the history as it was stated at the same time, we can discover certain things. My interest in history stems from the work I have done on education. In Morocco, we have a monarchy-centered education where we mainly talk about the king. Learning about civil history gives us an overview of the situation but doesn't allow us to understand what is happening in our own country. The history of Morocco exists elsewhere.

The sentences inscribed on my artwork "Histoire-2," which is a glass book, respond well to the question asked. It says: "According to the dictionary, history is defined as the set of events and circumstances experienced by beings, individually or collectively, and also concerns natural phenomena. In language, 'the history of things' corresponds to research on incidents and all the facts of a specific period with a specific objective.

According to Ibn Khaldun, history's object is the study of human society that constructs this world, wild life, social life, all kinds of power relationships, the construction of the state, and its hierarchy.

History is a set of information about man and his creations in this world, which took place before this moment. These pieces of information, written by specialists, true or false, are viewpoints from a specific time and place, which we sort today while trying to find a place in the future."

Trankat places the confrontation between craftsmanship and contemporary art at the heart of its project. What is your viewpoint on this juxtaposition in the heart of Morocco?

From an artistic perspective, I think it is interesting to be in contact with the idea of craftsmanship. This marriage between artistic and craft expression can lead to something, either on the side of the artist or on the side of the craftsman. However, I don't believe it is what will save craftsmanship. Although there are still some craft centers like in Fes, Meknes, or Tetouan, it seems to me that modernity has entered Morocco and the era of craftsmanship is over. When I was young, there was a lot of craftsmanship in Asilah, but now it's finished, everything is exported, and I don't think we can change anything about it. Before, we used to talk about recycling; it was rich and allowed the development of many things. I remember collecting my brother's books and clothes, but today people prefer to buy new slippers made in Taiwan rather than repair an old pair because it's cheaper. It's an economic reality. Consumption has arrived abruptly, and it's not specific to Morocco; it's the case in France as well! Recently, a cobbler in Paris told me that in the past, there were many people who repaired and made shoes, but now hardly anyone does it anymore. It's the effect of modernity, contemporaneity. It's an observation. Zellige tiles, they're finished now.

Architects are in the field of creation, but they no longer use craft processes.

What question would you like to be asked?

Is the weather nice in Morocco right now?

 

Conversation with Bérinéce Saliou 2013

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